Le soleil brille ce
matin, il s’amuse à créer des ombres sur mes joues et offre des reflets dorés à
mes cheveux que j’ai laissés détachés pour l’occasion. Le soleil brille, que
cela fait du bien. Il n’en a pas toujours été ainsi.
Je m’appelle Lola,
j’ai 7 ans. Un chiffre sacré, magique pour certains. Je passe le plus clair de
mon temps, seule, à buller. Les autres disent que je suis différente, ils ne
veulent pas jouer avec moi. Ils passent leur chemin. Ou me regardent de
travers. Qu’importe ce qu’ils pensent !
Je pose beaucoup de
questions mais les adultes ne savent pas toujours y répondre. Ils me disent souvent
que nous en parlerons plus tard. On dirait qu’ils n’ont jamais le temps. Ou
alors ils connaissent leurs limites, sans vouloir l’admettre. Je trouve cela
bien triste.
Un matin de mai, au
milieu de la grisaille se dressait le soleil, boule de feu perdue dans les
nuages. Il était là, cherchant à percer mais n’y arrivant pas. J’ai levé les
yeux au ciel et je lui ai demandé :
- Soleil, pourquoi joues-tu au timide aujourd’hui ?
- Les nuages refusent de me laisser passer, ils sont jaloux de moi parce que les hommes me vénèrent, répondit le soleil.
- Mais tu es le plus fort, tu peux tout, impose-toi.
- Tu as tort Lola, je ne suis rien, je réponds juste aux ordres de la Création.
C’était bien la
première fois que j’entendais ce mot : la Création. Qu’est-ce que pouvait
bien être la Création ? Je décidais de demander aux nuages pourquoi ils
volaient la vedette au soleil ce matin-là :
- Pourquoi faites-vous barrage au soleil ce matin ?
- Le soleil se croit le roi, nous n’aimons pas ça. Nous aussi, nous valons quelque chose, nous apportons de la fraîcheur et la pluie que nous faisons descendre nourrit la terre des hommes, répondirent les nuages.
- Déplacez-vous de quelques kilomètres et allez plutôt déverser vos larmes sur les régions d’en bas. Vous y trouverez des enfants qui meurent de trop de soleil, quelques gouttes pourraient leur sauver la vie.
- Nous aimerions bien Lola, mais nous ne pouvons pas. Nous n’agissons que sur ordre de la Création.
La Création encore
une fois. Il y avait un secret derrière ce mot qui ne me parlait pas. Il me
fallait le percer. Je comprenais que si je parvenais à parler à la Création je
pourrais changer bien des choses autour de moi.
Assise à la
bibliothèque de mon quartier, j’étudiais le dictionnaire. Création : « acte
consistant à produire et former un être ou une chose qui n’existait pas
auparavant ». J’en concluais que le soleil et les nuages avaient été
créés. Tout comme moi, j’avais été créée par mes parents, qui eux-mêmes avaient
été créés par mes grands-parents. On pouvait remonter loin de la sorte, mais il
manquait néanmoins une valeur à l’équation. Qui avait créé le premier homme, et
le soleil, et les nuages ?
Peut-être que la
Création était un magicien au fond, qui avec sa baguette, donnait des ordres
silencieux aux choses et aux êtres. Mais comment cela se faisait-il alors que
les choses et les hommes se disputaient sans cesse la première place,
perpétuellement insatisfaits, si la Création décidait de tout ? Il y avait
un mystère derrière la Création que je ne parvenais pas à résoudre.
Je suis trop
curieuse et j’ai fini par interroger le soleil et les nuages, les fleurs de mon
jardin et les étoiles du ciel. Ils ont tous tenu le même discours :
- Nous avons été créé de la même manière, nous sommes juste différents. La Création est silencieuse, timide, elle ne se dévoile pas comme ça. Tu peux lui parler mais rien ne changera si elle en a décidé ainsi. »
Je lui parle tous
les jours depuis ce matin du mois de mai, c’est peut-être pour cette raison
qu’on me regarde de travers. Beaucoup décident de ne pas prendre le risque en
se disant que leur voix ne sera pas entendue et au fond qui sont-ils pour que
la Création réponde à leurs souhaits ?
Moi je m’appelle
Lola, j’ai 7 ans et j’ai pris le parti de me dire qu’il y a une chance, certes
infime, pour que la Création m’écoute, après tout, c’est elle qui m’a créée.
Elle et moi ne formons qu’un dans l’absolu. Elle est le magicien et je suis sa
baguette. J’ai le pouvoir de faire courir mes mains dans l’air et de dessiner
des rêves, d’envoyer des sourires et de faire vibrer la terre. Je suis
créatrice de mon destin.
Marie, quel beau texte !
RépondreSupprimerMerci de le partager avec nous :)
Les dernières phrases sont magnifiques "elle et moi ne formons qu'un dans l'absolu. Elle est le magicien et je suis sa baguette. J'ai le pouvoir de faire courir mes mains dans l'air..."
Tu savais que 7 est mon chiffre préféré ?
Gros bisous !